Publication du rapport d’activité 2020

Publié le 18 mars 2021

La cnDAspe souligne trois points clés de son action en 2020 : la grande marge de progrès dans la tenue des registres d’alerte des établissements et organismes ayant une activité d’expertise ou de recherche en santé ou environnement ; l’opportunité avec la transposition de la directive européenne attendue pour 2021, d’élargir la protection des lanceurs d’alerte aux personnes morales associatives et aux personnes physiques n’ayant pas de lien professionnel avec l’entreprise ou la collectivité ; le rôle clé des lanceurs d’alerte et de leurs relais associatifs ou institutionnels, comme sentinelles agissant au bénéfice de la société et des écosystèmes.

Une forte marge de progrès dans la tenue des registres d’alertes en santé publique et environnement

La cnDAspe réalise annuellement un bilan sur la tenue des registres d’alertes des 34 établissements cités au décret n° 2014-1628 du 26 décembre 2014. L’enquête réalisée en 2020 montre que moins de 4 établissements sur 10 répondent à leur obligation légale de tenir un registre des alertes qui leur sont transmises et des suites qui leur sont données (article 3 de la loi n°2013-316 du 16 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte).

La tenue de registres d’alerte en santé publique ou environnement par les établissements publics ayant une activité d’expertise ou de recherche dans ces domaines vise à faciliter et sécuriser la remontée de signalements par les collaborateurs internes ou externes auprès des responsables de ces établissements. Signalements désintéressés et de bonne foi portant sur des actes ou des faits de nature à constituer une menace ou un préjudice grave pour l’intérêt général (article 6 de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique).

Les signalements peuvent porter par exemple sur des manquements observés de la réglementation s’appliquant aux établissements, mais également sur des liens étroits non déclarés avec des intérêts industriels et de nature à introduire un biais dans les travaux produits ou des écarts vis-à-vis de l’intégrité scientifique.

Ce constat établi par la cnDAspe ne signifie pas que les travaux des établissements publics d’expertise et de recherche doivent être considérés avec suspicion. Il souligne en revanche qu’il existe encore une forte « marge de progrès » pour généraliser la culture du risque et de la vigilance dans nombre de ces établissements.

Ce constat conduit la cnDAspe à recommander :

  • aux responsables des établissements, d’intégrer les enjeux et l’organisation du dispositif d’alerte interne dans les formations des nouveaux arrivants des établissements, ainsi qu’à destination du management et de l’ensemble des collaborateurs de ces établissements.
  • aux ministres d’effectuer un rappel aux établissements et organismes dont ils ont la tutelle, sur leurs obligations en matière de mise en place de registres d’alerte internes et de traitement des signalements reçus ainsi que leurs obligations en matière de présentation à son analyse critique des documents de référence interne sur la déontologie (article, 2 alinéa 2 de la loi n° 2013-316 du 16 avril 2013).

Élargir la protection des lanceurs d’alerte aux personnes morales associatives et aux personnes physiques n’ayant pas de lien professionnel avec l’entreprise ou la collectivité qui serait mise en cause.

La transposition attendue en 2021 de la Directive européenne relative à la protection des lanceurs d’alerte qui signalent des violations du droit de l’Union, doit être l’occasion de compléter le dispositif existant en France pour assurer une protection de tous ceux qui signalent des menaces ou atteintes concernant la santé publique ou l’environnement

Le cadre de protection des lanceurs d’alerte en France est actuellement défini par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Elle constitue une avancée pour des alertes relevant de domaines fiscaux ou de la corruption, mais elle a négligé une part importante du champ de la santé publique et de l’environnement dans lequel nombre de signalements sont portés par des personnes constituées en association pour exprimer collectivement leurs préoccupations ou griefs, ou par des individus amenés à signaler des événements ou actes constituant selon eux des menaces ou des dommages pour la santé ou les milieux (par exemple, malfaçon de produits mis sur le marché ou aux effets nocifs jusqu’alors ignorés, produits frauduleux, élimination de déchets hors du cadre réglementaire …).

Ces personnes physiques ou morales ne sont actuellement pas protégées car elles n’ont pas de lien de nature professionnelle avec les entreprises qui pourraient être à l’origine des troubles évoqués, ce qui est une condition posée par la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016. Or ces personnes doivent également être protégées car leur signalement peut concourir à l’intérêt général et elles peuvent être victimes d’actes d’intimidation ou de mesures de rétorsion si elles sont identifiées.

La cnDAspe a élaboré des propositions à cet effet, fondées sur l’expérience de ses quatre années d’existence. Elle les a portées dès 2020 auprès des institutions compétentes (Défenseur des droits, parlementaires, ministères directement concernés, acteurs de la société civile …) et poursuit ce plaidoyer en 2021.

Favoriser la culture de la vigilance citoyenne en apportant une réponse appropriée aux alertes

La cnDAspe appelle à développer une véritable culture de la vigilance citoyenne par le signalement d’actes ou de faits de nature à constituer une menace pour la santé publique ou pour l’environnement.

Chacun peut être amené à constater, au sein de son entreprise, ou en tant que riverain, consommateur ou usager, un acte ou des faits constituant une menace ou exprimant déjà des dégâts pour la santé et la sécurité de personnes ou pour l’équilibre d’un écosystème, et ce à titre individuel ou regroupé avec d’autres personnes dans une association.

La loi et la jurisprudence ont instauré un droit d’alerte pour signaler de tels faits afin qu’ils soient prévenus ou qu’ils cessent et soient réparés. Signaler des actes d’atteinte à la santé ou à l’environnement, pour un salarié d’une entreprise, pour un riverain d’une activité polluante ou pour un consommateur ou utilisateur d’un produit qui ne répond pas aux normes de sécurité, n’est pas un acte de délation, c’est au contraire un acte civique de vigilance citoyenne qui aide les institutions de contrôle à faire leur travail en portant à leur connaissance des situations menaçantes au plus profond du territoire. Dans certains cas, un signalement interne, dans l’entreprise, peut suffire à mettre fin à la situation menaçante. Dans d’autres cas, cela ne suffit pas, voire peut constituer un risque pour les auteurs de signalements ou leurs proches, et les lanceurs d’alerte doivent s’adresser aux autorités administratives compétentes (préfet, ARS …). Parfois ces recours ne reçoivent pas de réponse. La cnDAspe peut recevoir de tels signalements au travers de sa plateforme de saisie d’une alerte, qui assure la confidentialité des sources d’information. Elle a pour mission de transférer ces alertes aux ministères concernés qui lui doivent réponse.
C’est parce qu’ils remplissent cette importante fonction civique que les lanceurs d’alerte doivent être soutenus et protégés. En cas de menaces ou de représailles, il revient au Défenseur des Droits d’accompagner les lanceurs d’alerte pour faire valoir leur droit à protection. La fonction de la cnDAspe est ainsi bien distincte et complémentaire : elle doit veiller à ce que l’objet de l’alerte trouve une réponse appropriée. Pour y parvenir, la cnDaspe continue d’améliorer la fluidité de ses interactions avec les autorités territoriales compétentes dans le cadre de la pré-instruction des signalements évocateur d’alerte.

Des signalements variés … de la « vie courante » à des enjeux systémiques de portée internationale

Le site de la cnDAspe donne à voir la totalité des signalements qu’elle instruit, en présentant des informations synthétiques sur la nature de l’événement ou de l’acte à l’origine de chaque signalement et sur la menace en jeu (ou sur les dégâts constatés). L’état de l’instruction de chaque dossier et les suites données sont également rendus publics et régulièrement actualisés, cela en veillant à préserver le secret des sources et sur les parties en cause.

En 2020, la majorité des signalements ont relevé d’événements « de la vie courante » (dépose sans protection de matériaux amiantés, stockage sauvage d’objets de nature à polluer les milieux naturels, pollution industrielle locale etc.). La résolution du problème implique des acteurs locaux et les administrations de contrôle du territoire concerné. Plusieurs ont par ailleurs porté sur des risques à potentiel systémique (effets indésirables d’une technique médicale, mise sur le marché de produits ne répondant pas à des exigences réglementaires …). De tels signalements appellent l’intervention d’autorités nationales. Les impacts évoqués peuvent aussi s’étendre au-delà de la France (un signalement a mis en cause une société multinationale ; le signalement portant sur les SDHI, émis en 2019 et sur lequel la cnDAspe a travaillé en 2020, intéressait un sujet partagé par l’ensemble des pays de l’Union européenne, et bien au-delà).

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