Le radon

Publié le 23 mai 1997

Rapport

L’avis du Comité de la prévention et de la précaution est sollicité sur :

  • quelles stratégies de gestion du risque sont à préconiser ?
  • comment mieux définir les zones et les bâtiments à risques ?
  • les recommandations européennes sont-elles adéquates, notamment pour les relations dose-effet ?
  • quelles sont les méthodes les plus efficaces pour informer la population, les professionnels, les administrations déconcentrées ?

Problématique

Il est établi depuis plusieurs années (chez les mineurs d’uranium notamment) que des concentrations élevées, dans l’air, de radon et de son dépôt actif (supérieures à 1000 Bq/m3) favorisent l’apparition de cancers du poumon (in : « Radon et risque de cancer : études épidémiologiques après exposition professionnelle ou domestique », M. TIRMARCHE, Rev. Epidém. et Santé Publ., 1995, 43, 451-460).

Les concentrations les plus élevées rencontrées dans les habitations sont de l’ordre de grandeur des concentrations les plus basses rencontrées dans les mines d’uranium. Cette zone de recouvrement indique notamment que, si les preuves épidémiologiques directes de l’existence de risque aux faibles concentrations de radon rencontrées dans les habitations restent largement débattues, l’estimation indirecte des risques fondée sur l’extrapolation aux expositions « domestiques » des relations dose-risque établies à partir des cohortes de mineurs d’uranium constitue une approche acceptable.

On estime qu’en France, le nombre d’habitations individuelles concernées par des valeurs moyennes annuelles supérieures à 400 Bq/m3 est de l’ordre de 300 000, et le nombre de maisons au dessus de 1000 Bq/m3 de plusieurs dizaines de milliers (in : Fiche technique : Extrapolation du nombre d’habitations françaises concernées par des niveaux de radon élevés à partir de l’échantillon de mesures de l’IPSN - Rédacteur : P. Pirard - IPSN - Note SEGR/LEADS n°CRFT-97/25 - 24 février 1997).

Ceci tient à la nature du sous-sol : la France compte, en effet, de nombreuses régions où la nature des roches (notamment certains granites radiogéniques) ou la structure géologique (tectonique récente, hydrothermalisme) est associée à une émission naturelle élevée de gaz radon. Les régions concernées sont notamment la Bretagne, la Corse, le Massif Central, et les Vosges (in : Cartes sur le potentiel d’émanation du gaz radon en France, Ministère de l’Environnement, DPPR).

Ce phénomène naturel ne présente qu’un risque négligeable ou inexistant pour l’homme tant que ce dernier ne séjourne pas dans une atmosphère confinée propice à l’accumulation de gaz radon. De telles situations peuvent se rencontrer dans les habitations construites sur une formation géologique radiogénique, et/ou avec des matériaux émissifs sans qu’une ventilation suffisante ait été prévue.

Contexte européen

Un contexte similaire s’observe dans de nombreux pays notamment en Europe. La Commission européenne a émis le 21 février 1990 une recommandation (Recommandation de la Commission du 21 février 1990 relative à la protection de la population contre les dangers résultant de l’exposition au radon à l’intérieur des bâtiments - 90/143/Euratom) qui :

  • fixe un niveau de référence équivalent à une concentration annuelle moyenne de radon de 400 Bq/m3 au-delà duquel des mesures simples mais efficaces d’abaissement du niveau de radon sont à envisager dans les bâtiments existants ;
  • insiste sur la nécessité d’une information adéquate de la population, notamment en ce qui concerne les bâtiments existants, lorsque des actions correctrices sont jugées nécessaires, et sur les solutions permettant de réduire les niveaux d’exposition au radon ;
  • recommande que soit fixé pour les constructions futures un niveau de conception à 200Bq/m3 destiné à guider les autorités compétentes dans l’établissement des règlements, de normes ou d’un code de pratique de la construction applicables aux cas présentant un risque de dépassement de ce niveau ;
  • propose que des informations soient fournies plus spécifiquement aux professions de la construction sur les niveaux d’exposition possibles et sur les mesures préventives ;
  • recommande que les autorités compétentes s’assurent que les mesures effectuées présentent la qualité et la fiabilité requises (valeurs annuelles moyennes sur des temps longs) ;
  • demande d’identifier les régions, les sites et les procédés de construction susceptibles d’entraîner des niveaux élevés de radon.

La plupart des Etats membres de l’Union européenne ont déjà pris des mesures (Tableaux comparatifs extrait de Politiques publiques de gestion du risque radon : analyse de cas internationaux, M.H. MASSUELLE - IPSN - Note SEGR/LSEES - 96/117 - Décembre 1996) en conformité avec cette recommandation.

Enfin, la directive européenne du 13 mai 1996 impose aux Etats-membres de veiller à identifier les activités professionnelles susceptibles d’être concernées par une augmentation notable de l’exposition des travailleurs ou du public à des sources naturelles de rayonnement.

Contexte Français

Une campagne de mesure du radon dans l’habitat a été lancée en 1992 par l’IPSN en collaboration avec le Bureau de la Radioprotection de la Direction Générale de la Santé (DGS) et le concours des DDASS. Elle permet de disposer en 1996 d’environ 12000 mesures. Les résultats sont exprimés en moyenne départementale.

En outre, un groupe de travail sur le radon a été récemment constitué par la Direction Générale de la Santé. Il se compose de trois sous-groupes qui traitent respectivement de :

  • l’évaluation du risque par l’épidémiologie
  • les techniques de réduction de l’exposition au radon dans la construction
  • la gestion du risque radon et la définition de niveaux d’action.

Par ailleurs, un comité de l’AFNOR travaille sur la métrologie et sur la normalisation des mesures.

Enfin, la Société Française de Santé Publique (SFSP) prévoit d’organiser avec la Société Française de Radioprotection (SFRP) et de l’Association pour la Prévention de la Pollution Atmosphérique (APPA) une journée scientifique sur le radon avec pour objectifs principaux :

  • l’évaluation de la plausibilité et de l’ampleur du risque
  • les modalités possibles de gestion du risque radon

Recommandations

Dans l’état actuel des connaissances, l’existence de risques de cancer du poumon liés à des expositions moyennes annuelles à des concentrations dépassant 400 Bq/m3 doit être considérée comme plausible même si elle n’est pas totalement établie par des preuves épidémiologiques directes. Il s’agit donc d’un risque potentiel mais vraisemblable, faible en probabilité de survenue mais portant sur une pathologie grave. Des mesures simples (ventilation) permettent dans la plupart des cas de faire baisser la concentration de radon dans les habitations. Chacun peut ainsi agir pour diminuer le risque pour un coût modeste.

Le Comité de la prévention et de la précaution propose donc les recommandations suivantes :

  1. prendre l’initiative d’une campagne d’information du public et des professionnels concernés sur le risque et les moyens de le prévenir ; certains documents d’information sont déjà disponibles ; cette information devra concerner en priorité les régions ou zones à fort potentiel d’exposition au radon ; elle devra être adaptée aux différents publics visés ;
  2. mettre en application en France, avec les ministres concernés et les groupes de travail mis en place par la DGS et l’AFNOR, dans les meilleurs délais, les recommandations et les directives européennes ;
  3. adopter en concertation avec les ministres concernés de la santé, de l’intérieur, du logement et de l’industrie notamment les mesures nécessaires permettant de :
    • fixer des niveaux de référence pour le radon dans les bâtiments privés et accueillant du public, en particulier les écoles, collèges, lycées et crèches,
    • intégrer des niveaux de référence pour le radon dans la réglementation sur les établissements recevant du public,
    • gérer le risque radon et informer de façon adéquate les architectes et professionnels concernés par la construction, l’étanchéité, la ventilation et le chauffage,
    • participer à l’identification des sites concernés par des sources naturelles de rayonnement élevé, accueillant des travailleurs ou le public : établissements thermaux ou géothermaux, mines, tunnels, grottes, et lieux de travail ou de résidences souterraines ainsi que les établissements employant ou stockant des matériaux naturellement radiogéniques ;
  4. engager sans tarder avec les organismes concernés (IPSN-OPRI-BRGM-CSTB notamment) les études et recherches permettant d’établir une banque des données de mesure, de préciser la cartographie des régions, des sites et des procédés de construction favorisant des niveaux élevés de radon ; la publication des résultats sera l’occasion de rappeler que le caractère naturel d’un phénomène n’empêche pas qu’il soit susceptible de porter atteinte à la santé ;
  5. poursuivre le soutien actuel aux efforts de recherche en biologie, épidémiologie et métrologie, sur les risques liés aux expositions aux faibles doses de radiations afin de mieux quantifier ces risques ;
  6. concrétiser la campagne d’information à travers :
    • l’organisation à l’automne d’un "entretien de Ségur" sur la gestion du risque radon ;
    • le soutien à l’organisation d’une journée scientifique proposée par la SFSP, la SFRP et l’APPA ;
    • l’édition de documents d’information à destination du public en général, et des guides destinés aux maires des communes et aux propriétaires et locataires des maisons susceptibles d’être concernés par des niveaux élevés de radon ;
    • l’organisation par les ministères et établissements compétents de la formation des agents des services déconcentrés de l’Etat, des collectivités territoriales et des organismes concernés.

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